Une mondialisation à la françaiseavec les contributions de Christian de Boissieu, Marcel Gauchet, Michel Guénaire, et Hubert Védrine
18 janvier 2006
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Le CAS publiera des notes d’étape sur des sujets de société. La première note intitulée "une mondialisation à la française" est le résultat d’un débat au sein du Conseil sur la question suivante : face à la mondialisation, faut-il résolument nous adapter ou, au contraire, comme le pensent à des degrés divers nombre de nos concitoyens entrer en résistance ? Ce débat a été animé par Michel Guénaire avec la contribution de Marcel Gauchet et Christian de Boissieu. Par ailleurs, le CAS, dans le cadre de ses auditions, a interrogé Hubert Védrine sur la place de la France dans la poursuite de la construction européenne à l’heure de la mondialisation. Après avoir décrit les liens étroits existant entre la mondialisation et la culture libérale anglo-saxonne, Michel Guénaire a souligné que ce modèle était entré en crise à cause des désordres sociaux consécutifs au progrès d’un certain capitalisme. Selon lui, la France peut montrer la voie d’une autre mondialisation. "L’impasse dans laquelle nous sommes appelle un retour de la volonté politique et du premier cadre qui lui correspond, l’Etat, pour endiguer les effets négatifs d’un certain capitalisme sur la vie économique et sociale des nations." Cependant, pour que cette alternative française à la voie dominante de la mondialisation soit crédible, les éléments fondateurs du modèle de développement français doivent être remaniés. Michel Guénaire insiste en particulier sur la nécessité de réformer l’Etat à travers une redéfinition du périmètre de ses compétences, afin qu’il puisse donner une nouvelle impulsion à la politique industrielle du pays. De plus, la France doit replacer le travail au centre des valeurs de la nation. C’est à travers ce modèle de développement rénové que la France pourra inspirer une nouvelle phase dans l’histoire de la construction européenne. Marcel Gauchet a souhaité élargir la discussion sur les difficultés de la France face à la mondialisation en les situant sur le plan historique et non plus seulement économique, financier, et budgétaire. En effet, ce n’est pas l’aptitude au changement de la France qui est aujourd’hui en cause. Au cours de la période 1945-1970, la France a montré une réelle capacité d’adaptation. Le véritable problème est donc celui-ci : notre pays n’est aujourd’hui plus en phase avec "les contraintes et les transformations imposées par le processus de mondialisation". A ce titre, il regrette que "le discours des contraintes économiques ait totalement occulté la réalité des contraintes historiques". Car toute action réformatrice ne pourra se fonder qu’en prenant en compte notre particularité. Christian de Boissieu fait part de sa réticence à l’égard de la notion de "voie française de développement" compte tenu des mauvaises performances économiques et sociales du "modèle français". Le problème que connaît la France aujourd’hui n’est pas tant celui de notre pays que celui du capitalisme en général et "des défis qu’il doit affronter de l’intérieur dans un monde post-Enron". Au-delà de l’aspect historique évoqué par Marcel Gauchet, il souligne également que le problème français tient davantage à l’absence de projets et de visions des hommes politiques eu égard aux défis de la mondialisation : "Il n’y a que du court-termisme". Christian de Boissieu s’interroge enfin pour savoir si "le malaise français à l’égard de la mondialisation ne constituerait pas plutôt une partie du malaise de la France et de la société française à l’égard de l’économie de marché". S’agissant du retour de l’Etat dont parlait Michel Guénaire, Christian de Boissieu précise que le volontarisme industriel doit s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique. Interrogé sur la place de la France dans la mondialisation, Hubert Védrine souligne tout d’abord que celle-ci ne dépendra pas dans les années à venir de sa politique étrangère mais plutôt de ses capacités d’adaptation à la mondialisation. Compte tenu de son passé et de son ambition, il rappelle qu’il est sans doute plus pénible pour la France de s’adapter à un processus dont elle n’a pas l’initiative même s’il y a, dans le sentiment d’impuissance de notre pays, "beaucoup plus de ressenti que de vérité". Hubert Védrine ajoute que le référendum sur la Constitution européenne a anéanti la conception européenne de la France qui voit dans l’Europe "une France en plus grand". Reprenant l’histoire de la construction européenne, Hubert Védrine situe le commencement des difficultés à partir du Traité de Maastricht après lequel l’élargissement est devenu la priorité pour la plupart des pays membres de la communauté. Ainsi "l’idée que ces élargissements successifs nous ont été imposés, est restée très présente et a éclaté lors du référendum". La rapidité avec laquelle le processus d’élargissement a été mené, l’excès d’intégration, expliquent, pour une part, le rejet des populations à l’égard de la construction européenne. Nous sommes ainsi passés de : "Qu’est-ce qui est bon pour l’Europe ?" à "A qui l’Europe peut-elle rendre service ?". Le processus d’élargissement s’est en effet heurté à la notion d’Europe politique que la France appelait de ses vœux. Pour sa part, Hubert Védrine déclare ne pas avoir renoncé à l’Europe politique. C’est une des raisons pour lesquelles il n’est pas favorable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Cette Europe politique ne passe pas par des traités, des textes, ou des constitutions mais par un accord entre la France, l’Allemagne et l’Angleterre. A propos du "non" au référendum, Hubert Védrine souhaite que l’on prenne acte de ce rejet et que l’on tienne compte des opinions exprimées. Cette "pause" est peut-être l’occasion de mettre de côté les controverses institutionnelles qui durent depuis dix ans et d’exploiter les institutions existantes. Le CAS poursuivra sa réflexion sur la mondialisation, notamment sur les effets qu’elle produit sur les comportements sociétaux, en liaison étroite avec le CAE. |
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